Au début du XXe siècle, c'est la compétition qui a pavé la voie de l'automobile. Les Mercédès, les Benz, Opel, Renault étaient alors des cabriolets ou découvrables de sport. Les clients de cette époque, grisés par la vitesse, achetaient... des voitures de course !
Jusqu'à la 2e guerre s'est déroulée une course aux chevaux effrénée dans des carrosseries fantastiques : 6, 8 et 12 cylindres dopées au Kompressor avec des cylindrées à faire pâlir les muscle cars des 60s...
Les Mercedes des seventies s'illustrèrent mieux sur piste que sur circuit. Mercedes n'osait alors pas vraiment lâcher les chevaux...
Londres-Sydney
Bien avant le Paris-Dakar, ce rallye mondial ne connut que 2 éditions : 1968 et 1977. Ce furent les rallyes automobiles les plus longs jamais organisés de part le monde. Ces véritables marathons automobiles furent, presque étrangement, tous deux remportés par le même équipage Andrew COWAN et Colin MALKIN.
1968Londres-Sydney avec à l'arrivée deux Mercedes 280S (W108) et 200D (W114), une DS 21, une Peugeot 404 (aux pneus rechappés!), une Simca 1100 et une Renault 16TS... Mercedes renouait alors avec la compétition depuis l'accident au Mans de 1955, non pas officiellement mais par un "soutien actif" aux engagés -sous la houlette de Karl Kling.
1977Londres-Sydney : 3 continents, 35000 km, 30 points de contrôle en 45 jours, pour A$30000 de prix au vainqueur offert par Singapore Airlines (en dollar australien). Suite à 2 jours de retard de transit par bateau, les 8 derniers jours en Australie fûrent un véritable enfer : 9000km courus sans pause jour et nuit (afin de ne pas supprimer d'étape)...
Mercedes rafla les 2 premières places avec les n°33 et n°49 (et aussi les 6e & 8e places) avec des Mercedes 280E "de série" W123 à moteur M110 et injection Bosch K-jetronic.
Les françaises ne déméritèrent pas dans ce deuxième (et dernier) London-Sydney de 1977 avec deux CITROËN CX2400 aux 3e et 4e places, une PEUGEOT 504 TI en 5e... et une RENAULT 12 Gordini en 15e position ! Source : Sport Auto n°190 novembre 1977
Notez cependant un accrochage suspect pour la Citroën CX de tête par un "chauffard" dans les 100 derniers kilomètres (d'une course qui en comptait 30000) ?!? et pourtant je ne suis ni chauvin, ni féru de Citroën...
Autre course, autre continent : le coupé Mercedes 450 SLC C107 s'illustra en rallye au “Vuelta a la América del Sud” (Tour de l'Amérique du Sud) en 1978 avec 29000km en 26 jours (6800km de pistes) en boucle de Buenos Aires (Argentine) en passant par tous les pays d'Amérique du Sud.
1978Vuelta a la América del Sud
Mercedes finit aux cinq premières places (7 voitures aux 10 premières places dont un certain Jean Todt) avec la 450 SLC C107 et la 280 E W123. Vainqueurs : Cowan Andrew & Malkin Colin sur 450 SLC, encore eux ! Ça en devient presque suspect...
On note derrière 6 ◊◊◊◊◊◊RENAULT 12TS toutes conduites par des argentins (pour lancer la production locale!?) qui ne déméritèrent pas puisqu'après 35 abandons, il ne restait à l'arrivée que... 22 voitures. Voir le Classement final
Grand poster Daimler du 450 SLC fin seventies avec des modifications mineures selon les règlements de course : renforcement des trains roulants, phares additionnels.
Bandama
Le 450 SLC fut suivi par le nouveau 450 SLC 5.0 C107 plus léger et plus rare, mais aussi plus fragile (bloc en alliage) qui gagna la 11e édition du Bandama Côte d'Ivoire 09/1979 en raflant les QUATRE premières places.
1979Bandama
1. Mikkola & Hertz
2. Waldegaard & Thorszelius
3. Cowan (encore lui !) & Kaiser
4. Preston & Doughty
Puis encore le 500 SLC C107 (presque identique au 450 SLC 5.0) au Rallye de Côte d'Ivoire 1980 avec les 2 premières places : 1. Waldegaard & Thorszelius 2. Recalde & Straimel.
Subtile différence entre 450 SLC 5.0 et 500 SLC : les premières 450 SLC 5.0 ont un alésage et culasse spécifique avec le M117.960 (tableau ci-dessus). Sachez hélas que vous pourriez être déçu lorsque le joint de culasse du 5.0 ou 500 lâchera... Préférez la 450 SLC (moteur M117 en fonte) ou restez très vigilant sur le graissage du haut-moteur.
Paris-Dakar
En photo, la Mercedes 280 SE W116 n°172 au Paris-Dakar 1984 (Morsillo & Blanchet) Classement final : Abandon
1984Paris-Dakar
Monte-Carlo
Évoquons en passant pour les 60s la Mercedes 220 SE type W111 vainqueur du Rallye de Monte Carlo en 1960 (Schock & Moll). 60 ans après, 2 exemplaires participent au Monte Carlo Historique 2020
Endurance
En endurance, le 450 SLC C107 fut testé au Mans vainement en 1978 (non qualifié). Considéré comme "trop lourd" pour le WRC ou le Monte Carlo, Mercedes resta alors sur les rallyes-marathon -propos rapportés de Walter Röhrl qui n'accepta pas l'offre de Mercedes.
Le M117 en alu jeta ses derniers feux en 1989 (après 16 ans de carrière) quand la Sauber-Mercedes C9 n°63 remporta les 24H du Mans avec 720ch grâce à deux turbos KKK. Enfin !
Mercedes a donc attendu 16 ans avant de lâcher son fameux M117 en endurance ?! Ô combien de courses ce moteur aurait donc pu rafler devant Porsche avec le 4.5 litres dès 1972, avec le 5.0 litres en 1979 puis enfin le 5.6 litres en 1985 ? Derrière ce peu de goût pour la compétition de la part de MB, on devine de la peur de mal faire, de la paresse, voire des arrangements...
OOOOOO OOOOOO
En 1991, les Sauber adoptèrent le nouveau V8 M119 à 4 soupapes par cylindre sur la C11 (sans grand succès en course), avant de monter le "fameux" 12 cylindres à platM291 de 3.5l et 600-700ch(?) sur la C291. Ce moteur fut littéralement une "étoile filante" pilotée par deux jeunes inconnus de 22 ans (Schumacher et Wendlinger) et vainqueur uniquement à Autopolis (Japon). Le M291, d'une durée de vie estimée à environ 1 heure (!!), "crâmait" littéralement sur la piste pour un coût... astronomique. La faute attribuée à un défaut sur une petite série (30 moteurs) ; on devine ici que le refroidissement par eau du 12 à plat était un tantinet téméraire. La C291 dédaigna Le Mans en 1991 (remplacé par la doublure C11 moteur M119), rempila pourtant en 1992 sous le pseudo C292 mais vainemans. Le flat-12 à la Porsche fut alors sagement jeté aux oubliettes.
À ce moment clef, Mercedes eût dû assumer, abandonner Sauber et se lancer carrément dans la bataille !? Meuh non, on reprend les mêmes et on continue d'allonger la facture... en F1 s'il vous plaît et ce vainement jusqu'en 1994, quand les flèches d'argent adoptèrent MacLaren...
N'oublions pas non plus ces pitoyables drôles d'oiseaux baptisés CLR qui s'envolèrent littéralement en 1999 sur le circuit manceau. Soulignons ici la valeur intrinsèque des 24H du Mans comme test automobile ultime. En peaufinant l'aérodynamisme et les effets de style venturi, les voitures "volaient" ?! Des têtes eurent dû voler à ce moment crucial ?! Meeuuuh non, lire Histoire des Mercedes CLK GTR, CLK LM et CLR.
Notez que pour obtenir l'homologation du CLR, une série très limitée de 25 exemplaires de ces auto fantasques est sortie en version 6.9 ! donc j'ai menti quelque part, la 6.9 a bien été détrônée depuis les 70s. Le plus gros moteur Mercedes (6.3 et 6.5) a depuis oscillé entre V12 et V8, mais c'est une autre histoire...
Retenez que finalement presque tous les modèles de série Mercedes ont brillé en course ! Ceci démontre l'avance technologique de Mercedes à cette époque. Ce qui serait loin d'être évident aujourd'hui.
Bref : plus on s'éloigne des 70s et moins la fiabilité MB est garantie. C'est ce que peut retenir l'amateur d'anciennes.
petite histoire des "limousines sportives" et le M100
Remontons maintenant le temps.
Après-guerre, les coupés et cabriolets revinrent avec le mythique 300SL W198 des 50s. Puis STOP. Après le drame de 1955 aux 24H du Mans, le cheval de bataille de MB devint, le temps des 60s et 70s... les limousines ! A l'instar de Rolls Royce ou Cadillac.
Le premier pavé dans la mare fut la Mercedes 600 W100. Elle resta confidentielle mais a fortement valorisé l'image de Mercedes. Et a fini par détrôner Rolls Royce... du moins en collection, si on se réfère à la cote !
Ce fut alors la vogue des muscle cars américaines qui déferla, la Ford Mustang caracolant en tête. Ces voitures construites à la hâte faisaient surtout crisser les pneus et tenaient vaguement la route. Leur V8 à arbre à cames central était une réminiscence du passé fordiste d'avant-guerre. C'était au final du pas cher pour les décors d'Hollywood ! Les Européens ne créèrent étrangement pas de muscle car. La réponse de l'Europe se fit sur un autre registre.
C'est ici que se glisse un des intermèdes le plus incroyable de l'histoire automobile : ce furent les limousines dopées avec le même moteur M100 : Mercedes 300 SEL 6.3 W109018 puis Mercedes 450 SEL 6.9 W116036
Ces deux voitures sont tout simplement les premières limousines sportives d'après-guerre. Aussi rapides à l'époque que les sportives (Porsche 911, Ferrari, Ford Mustang...) et aussi confortables que les limousines (Rolls-Royce) y compris à grande vitesse.
Cette "résurrection" des gros moteurs d'avant-guerre en Europe tenait en un seul mot : M100. Produit 17 ans durant (1963-1980) à +/-16000 exemplaires, ce moteur d'exception est en effet une des meilleures production Mercedes-Benz d'après-guerre. V8 à simple arbre à cames en tête de chaque rangée de cylindres, un gros bras en fonte ! et très en avance sur de nombreux points techniques.
On ne peut ici que déplorer une chose : Mercedes ne valida jamais ce Motor-Kapital en course. Pourquoi ne pas avoir monté le M100 sur un SLC ? Gagne presque assurée au Mans. Ni avoir monté une suspension pneumatique sur une résurrection du 300 SL ? Ce qui eût fait mordre la poussière au monde entier sur les déserts du globe. Mais l'euphorie de la gagne s'était envolée chez MB, comme un certain 300 SL au Mans 1955, hélas. Il faut croire que le staff MB ronronnait sur ses glorieuses couronnes de laurier... à leur crédit, il faut dire que l'avance technologique de MB était à son apogée vers 1970. Aucun autre constructeur ne rivalisait sur la maîtrise technologique, l'innovation, la sécurité, l'étendue de gamme, l'emprise mondiale, etc. La plupart des constructeurs ramaient plutôt pour une victoire en Grand Prix, rallye... comme Ford qui mit un point d'honneur à gagner Le Mans (cf film)
Quoiqu'il en soit, les yankies commencèrent alors à se méfier des imports, avec des lois iniques dites "antipollution" juste pour stopper la vague euro. Ce tintoin se fit au détriment des cabriolets/roadsters. MB produisit alors des modèles soit plutôt réduits (la Pagode W113), soit preque sous-motorisés (SL et SLC série 107) relativement au 300 SL W198 de naguère.
Ceci veut simplement dire que MB ne joua jamais la carte des muscle cars et n'en produisit pas ! Ce commentaire doit être bien sûr relativisé aux USA qui roulaient alors presqu'exclusivement en 6 et 8 cyl. de 4.0 à 8.0 litres. Car la plupart des autres constructeurs européens n'avaient pratiquement plus leur mot à dire dès 3.0 litres... et ne purent d'ailleurs jamais faire grand effet outre-Atlantique. Les japonaises s'en sont chargé depuis avec des petites voitures sobres et très efficaces.
Autre son de cloche British par LJK SETRIGHT sur les Mercedes-Benz Roadsters 230 250 280 350 450 SL et SLC, ouvrage paru en 1979 chez Osprey AutoHistory. Un bon livre par un vrai auteur avec moult photos d'époque, facile à trouver sur le net pour presque rien (uniquement en anglais).
On peut y lire p.6 ce commentaire étonnant : Mercedes-Benz, whose right to a place in the highest rank of car manufacturers must be undisputed, the testimony of the past is supported by evidence of the present, for they continue to wage the double campaign that they have fought since their earliest times -on the one front, to be in the vanguard of scientific and technological progress, on the other to fight a rearguard battle against the social and commercial temptations that have introduced the mean and the compromising to corrupt the standards of other manufacturers
Autant dire que la "campagne d'arrière-garde contre les corruptions commerciales" (lire "résistance au progrèss") s'est complètement effondrée depuis 1980 (c'est-à-dire depuis l'américanisation de MB) puisqu'hélas Mercedes a cédé aux sirènes de l'argent facile en bradant son capital et son image au point de monter du Valeo, oui Mesdames et Messieurs -voyez en photo.
Des pans majeurs de l'industrie européenne, symbole de qualité, de voitures durables faites pour ROULER ▒▒░ ░ a littéralement craqué sous la coupe de prédateurs capitalistes (les fonds d'investissement) qui ont délocalisé des siècles de savoir-faire européen vers la Chine, tout en cédant la place aux voitures en plastique et électriques. Demandez-vous qui contrôle la flotte mondiale et vous saurez qui gagne à coup sûr -sauf si vous décidez de ne pas acheter ! On peut d'ailleurs prévoir le retour de l'industrie en Europe (relocalisation) pour bientôt. Tout ceci vos frais, puisqu'il suffit de baisser les salaires. L'Europe devra donc s'appauvrir pour renaître de ses cendres. Ça s'appelle pudiquement un cycle économique. En réalité, un vulgaire tour de passe-passe foireux...
Puis, le rapetissage des moteurs des années 80 (downsizing) a tourné les projecteurs vers la "petite" 190 pourtant déjà "grosse" en 2.3 16s selon les critères français qui plafonnaient à 2,6 litres avec le V6 PRV Peugeot-Renault-Volvo. La "petite" Mercedes dotée d'un simple 4 cylindres M102 s'est illustrée en records d'endurance à Nagaro puis sur circuit en DTM (avec double-turbo puis EVO I II III etc.). De cette histoire, la W201 est devenue très cotée en collection Young-Timer, presque plus que les classe S W126...
Notons cependant la 560 SEL : encore une limousine aux vélléités sportives, mais bien plus raisonnable que ses devancières 6.3 et 6.9. Et surtout talonnée, voire doublée par les V8 Porsche et BMW. Des chevaux sur le papier certes, mais la fièvre était retombée -rapetissage oblige. On pourrait presque dire : une W116 0% Mat. gras. ou anorexique, puisque les 126 sont des 116 allégées ! Ce fut le point d'orgue des W126 et le glas de la classe S -à mon goût.
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Résumé de cinquante ans de production MB :
années cinquante : l'après-guerre et la course (300SL) qui frappe l'imagination
années soixante : sommet en matières nobles et sur-mesure avec la limousine 600. Premier V8 d'après-guerre et suspension pneumatique. Investissement en image de marque
années soixante-dix : sommet en mécanique et ingénierie (280 à double arbre à cames et 6.9). Suspension hydro-pneumatique. Investissement en technique
années quatre-vingt : sommet en petits moteurs efficaces (190 à 4 cyl.), début de la grande série, dépollution, rationalisation (downsizing)
années quatre-vingt-dix : électronique invasive (w140), lourdeur et complexité
années deux mille : plastification, gadgétisation et rentabilisation à outrance. Mercedes passe de l'innovation à la vache-à-lait et mange son pain blanc -pour combien de temps?
depuis la F1 : fini les belles Mercedes, bonjour les "caisses en plastique connectées"... À quand le sursaut ?
Aujourd'hui (2020) MB s'engage dans la voiture électrique. Nouvelle chimère... Mercedes mange son pain noir.